L’échec des pays de l’OPEP à trouver un accord ce week-end laisse envisager une longue période de déclin à venir pour le cours du pétrole selon moi. Les facteurs de l’offre et de la demande ne sont pas suffisants pour conserver les niveaux actuels sur la longueur. En outre, l’offre et la demande ne sont plus ce qui déterminent le cours du pétrole aujourd’hui ; il s’agit des prévisions. Et on attend désormais un déséquilibre continu sur ce marché. Je pense que le pétrole reculera davantage et que les devises sensibles à cette matière première, comme le CAD, en pâtiront également.
Le cours du pétrole a gagné 60% depuis son plancher du mois de janvier, mais la majorité des gains proviennent des rapports faisant état de discussions entre la Russie et l’Arabie saoudite en février. Le moteur principal de la reprise du cours était l’idée que l’OPEP conclurait un accord avec les producteurs qui ne sont pas dans l’OPEP pour limiter l’offre de pétrole. Avec une baisse de l’offre, ce ne serait alors plus qu’une question de temps avant que la demande déjà meilleure aujourd’hui reparte entièrement.
Malheureusement, ce plan n’a pas fonctionné. L’OPEP n’est pas parvenue à un accord avec les pays en-dehors de l’organisation, mais elle n’est pas parvenue à s’accorder en son sein même. Cela n’est pas surprenant. L’Arabie saoudite et l’Iran sont actuellement en lutte dans d’autres pays. Aucun des deux pays n’apprécie l’autre dans un conflit qui remonte à presque 1400 ans.
En remontant bien moins loin, l’OPEP a toujours eu des problèmes pour réduire la production et augmenter les prix. Au final, ils ont dû abandonner leur système de quota par pays et simplement limiter la production globale ; malgré tout, même ces limites ont été régulièrement dépassées ces dernières années.
Le cours du pétrole n’est plus déterminé par les agissements de l’OPEP: il est déterminé par ce qui se passe aux États-Unis. L’OPEP n’a plus sa puissance passée
Pourquoi le cours du pétrole n’a-t-il donc pas chuté davantage encore une fois l’échec de ces plans manifeste ? Deux raisons, probablement. La première est que l’équilibre de l’offre et de la demande est un peu meilleure actuellement. La production américaine a reculé quelque peu, tout comme ailleurs. Par exemple, alors même que la réunion au Qatar se terminait dans le désordre, les travailleurs du pétrole au Koweït entraient en grève, enlevant 1,7 millions de baril par jour sur le marché. Cela est suffisant pour supprimer le surplus de production. Les exportations vénézuéliennes sont plus faibles en raison de problèmes techniques à un terminal d’exportation, tandis que le Nigéria, l’Irak et la Colombieluttent contre des attaques explosives contre leurs pipelines. Pour faire court, il y a actuellement de nombreux facteurs disruptifs qui réduisent la production.
Ensuite, le marché s’attend probablement à ce que la production américaine continue de reculer. Il s’agit là selon moi de la raison principale pour laquelle le pétrole ne s’Est pas effondré. Une étude de Bruegel, un think tank économique européen, a conclu que la chute récente de 74% du prix du pétrole est attribuable au changement des prévisions du marché concernant l’équilibre de l’offre et de la demande. Ces deux éléments comptent en eux-mêmes pour 26%du changement du cours du pétrole. Le pétrole se négocie comme un investissement financier, et non comme une matière premières. Les investisseurs s’attendent à ce que la production de pétrole américaine continue de reculer à mesure que les producteurs d’huile de schiste sont évincés, et c’est cette prévision qui maintient le marché à flot.
Malheureusement pour l’OPEP, ils ont manqué leur chance. Avril est le mois où nombre de ces producteurs ont récupéré leurs prêts bancaires, et avec un prix du baril de 40$, cela est probablement suffisant pour garantir une poursuite de la production pendant au moins six mois. Dans le même temps, 4000 puits ont été forés aux États-Unis et sont en attente de fracturation hydraulique, pour commencer à pomper du pétrole. Si la fracturation hydraulique est réduite à seulement 170 puits par mois, cela pourrait ajouter 400 000 à 600 000 barils par jours à l’offre mondiale.
En d’autres mots, le cours n’est plus déterminé par les agissements de l’OPEP ; il est déterminé par ce qui se passe aux États-Unis. L’OPEP n’a plus sa puissance passée. Le cartel n’a pas l’unité interne, ni la part de marché,nécessaires pour imposer sa volonté au marché mondial du pétrole. Les États-Unisont pris la première place de production du pétrole, augmentant et baissant sa production en fonction de la demande. Seulement, au lieu de se réunir une fois par mois à Vienne pour déterminer le niveau approprié de production, les producteurs de pétrole américains s’en tiennent au marché (et à leurs banques) et augmentent ou réduisent la production en conséquence.
Dans le même temps, les hedge funds et autres spéculateurs restent longs sur les contrats à terme du pétrole. Combien de temps accepteront-ils de maintenir ces positions ? Je pense qu’à mesure que le cours du pétrole reculera, ils tenteront de clôturer certaines de leurs positions, mais le cours devra reculer bien davantage pour trouver un acheteur.
Au final, ce sont les prévisions qui maintiennent ce marché à flot. Il faudra sans doute du temps pour que celles-ci changent, mais je pense que ce sera le cas. Lorsque cela arrivera, le cours du pétrole devrait reculer bien davantage, tout comme le CAD, le MXN et d’autres devises liées aux matières premières.